Écrémer le marché avec du yogourt

25. septembre 2024

Un yogourt de la Chäs-Hütte à Meierskappel LU est le produit Bio de l’année. Le maître-fromager Martin Dobler transforme son lait de bufflonne de manière durable et rentable.

Pour Martin Dobler, 30 ans, un rêve s’est réalisé au début de cette année quand il a repris de son prédécesseur Fritz Schnyder la fromagerie Chäs-Hütte à Meiers­kappel LU. Il a la fromagerie chevillée au corps et il rêvait depuis toujours d’en avoir une à lui. Après l’apprentissage dans une fromagerie appenzelloise dans le Toggenbourg, il est devenu maître-fromager et a travaillé à plusieurs places qui vont de l’économie alpestre à la laiterie industrielle en passant par la fromagerie de village.

Martin Dobler ne veut cependant pas se reposer sur ces lauriers. Il forme des apprentis et est expert d’examen pour les diplômes professionnels. Il siège en outre au comité de Milchtechnologen Ost, comme il le dit à la table de cuisine de son logement situé en dessus de la laiterie. Martin Dobler choisit ses mots avec soin, parle calmement, ce n’est pas un bavard.

Coop, Migros et autres acheteurs

Mais maintenant c’est de Martin Dobler qu’on parle: son yogourt vanille au lait de bufflonne a été élu mi-juin Produit Bio de l’année (encadré). Pour la recette de base, un yogourt nature, le prédécesseur de Martin Dobler, Fritz Schnyder, avait déjà reçu en 2010 une distinction Bourgeon Bio Gourmet. Cette année, quatre autres produits de la Chäs-Hütte ont reçu des distinctions.

Bombardé de succès, le maître-fromager veut que ses produits obtiennent encore plus de popularité. Bien qu’on les trouve déjà dans des magasins de Coop, de Migros de Volg et de Spar. Un petit nombre est aussi livré à des EMS, des boulangeries ou des boucheries.

La Chäs-Hütte commande à un paysan du coin «entre 90 000 et 130 000 kilos de lait de bufflonne par année», comme dit Martin Dobler. À part des yogourts, il en fait aussi du séré, du petit-lait, de la mozzarella et du lait pasteurisé. La laiterie produit entre 1000 et 1500 gobelets de 125 grammes de yogourt bio par jour. Il achète aussi dans les environs 700’000 kilos de lait de vache conventionnel pour produire du lait de consommation, du yogourt, de la crème, du séré et encore d’autres produits.

«La transformation du lait de bufflonne est délicate», dit Martin Dobler. Il y a pour le lait de vache de longues années d’expérience pour des paramètres comme les températures, les cultures starters, les durées et les quantités. «Avec le lait de bufflonne, on doit se débrouiller seul», dit-il. Il a beaucoup dû expérimenter; par exemple, il sélectionne des bactéries lactiques différentes pour le lait de bufflonne et le lait de vache. S’il les ajoute au lait à 40 degrés, les bactéries se multiplient et transforment une partie du lactose en acide lactique.

Le lait caille et développe la note acidulée typique pour le yogourt. La vanille et le sucre sont ajoutés à la fin. Il dit que séparer les deux types de lait – bio et conventionnel – n’est pas un problème, on les transforme chaque jour à des heures différentes.

Le Bourgeon Bio Gourmet 2024

Le yogourt vanille au lait de bufflonne de la Chäs-Hütte de Meierskappel LU est le Produit Bio de l’année 2024. Il est fabriqué par le maître-fromager Martin Dobler, qui a pu se réjouir plusieurs fois d’un coup: ses cinq produits déposés pour le Bourgeon Bio Gourmet, qui allaient du ­yogourt à la mozzarella, ont tous reçu une distinction. Son yogourt à la vanille a finalement gagné le concours à la fin du mois de juin après une dégustation par le public de la foire Food Zurich. L’ingénieure en denrées alimentaires et experte en technologie laitière Nicole Nussberger a rendu hommage au produit gagnant lors de son panégyri­que: «Ce yogourt se distingue par sa qualité extraordinaire et son arôme inimitable. Il relie parfaitement tradition et innovation, et il fascine par sa consistance crémeuse et son goût de vanille fin et équilibré.»

Bio Suisse distingue tous les deux ans les meilleurs produits transformés Bourgeon suisses dans différentes catégories. Cette année c’était le tour des produits laitiers (yogourt, séré, fromage frais / mozzarella, glaces et ­alternatives végétales) d’être au banc d’essai. 15 fabricants ont déposé au total 66 produits. Un jury a évalué les produits sur le plan de l’apparence, de l’odeur, de l’arôme, du goût et de la texture. Il a donné 23 fois la note 5 et 6 fois la note 6.

Cette année, Bio Suisse a organisé le concours Bourgeon Bio Gourmet pour la 17ème fois. La prochaine évaluation des produits laitiers se déroulera dans huit ans.

«Tout le lait vient du village ou des environs», souligne-t-il. Il commence avec le lait de vache, car ça permet d’occuper les 15 employés et l’apprenti. Martin Dobler essaie en outre de rendre sa fromagerie plus durable. Les bufflonnes dont vient le lait sont nourries sans concentrés. «Nous devons penser aux générations qui nous suivront, mais en même temps nous devons aussi pouvoir produire tout ce que la clientèle demande.»

La Chäs-Hütte existe depuis les années 1930. Les paysans se sont organisés en coopérative et louent le bâtiment à la Chäs-Hütte. C’est pour ça qu’il est clair pour le maître fromager qu’il doit continuer de transformer le lait de ces entreprises agricoles.Une bonne collaboration avec les paysans est importante pour lui. Et c’est volontiers qu’il les accompagne sur la voie de la reconversion bio quand le moment est venu.

Le lait de bufflonne est pour sa part déjà bio. Du point de vue des composants, il dépasse le lait de vache d’une bonne longueur de corne. Il contient 8 grammes de graisse par litre, soit deux fois plus que le lait de vache, et plus de graisse veut dire plus d’acides gras essentiels, de calcium, de biotine et de vitamine C. Le lait de bufflonne a en outre une consistance «un peu plus moelleuse et crémeuse», comme s’extasie Martin Dobler. Les produits au lait de bufflonne conviennent en outre aussi pour les personnes allergiques au lait de vache ou avec une intolérance au lactose.

Expérimenter sans être pressé par le temps

En ce qui concerne les autres ingrédients du yogourt, la vanille vient de Madagascar et le sucre du Paraguay. Martin Dobler les commande à Fresh Food and Beverage Group. Hans Ramseier, responsable du secteur International de Bio Suisse, commente: «Le sucre vient par bateau, la vanille arrive exceptionnellement par avion, car elle est trop chère pour que quelqu’un prenne le risque d’un transport par bateau. Et certaines sociétés maritimes refusent les transports de ce genre.»

Martin Dobler ne sait pas encore s’il participera dans huit ans à la prochaine évaluation des produits laitiers. Il est vrai qu’il peut toujours avoir un trait de génie pour un nouveau produit ou pour l’amélioration d’une recette. Et cela surtout quand il y a des travaux plutôt monotones à effectuer. Il faut cependant du temps jusqu’à ce que ça donne quelque chose. «Toutes les expérimentations ne débouchent pas sur une distinction», dit Martin Dobler. 

Rédaction: Beat Grossrieder, Photos: Beat Grossrieder
publié dans Bio Aktuell 07/2024

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